Introduction à la sociologie clinique — Centre St-Pierre
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Que fais-je de ce qu’on a fait de moi? Introduction à la sociologie clinique

L’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous, disait Sartre3.  

Ce qu’on a fait de nous, c’est ce que nos parents, par leur éducation, ont implanté en nous ; c’est ce que l’école, par ses enseignements, sa discipline et sa rigueur ont forgé en nous ; c’est ce que la culture québécoise avec son histoire et ses coutumes a façonné en nous.    

Ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous, c’est la liberté intérieure que nous arrivons à prendre face à ce que nous sommes devenus, alors même que nous sommes profondément influencés par de multiples déterminants sociaux.   

La sociologie clinique, une approche employée dans des formations en développement personnel au Centre St-Pierre, vise à rendre visibles les multiples déterminants qui façonnent nos trajectoires en les mettant en lien avec les phénomènes intrapsychiques et sociopsychiques propres à chacun·e, et qui participent de la construction identitaire de l’individu. Elle tient compte de la subjectivité des acteurs et actrices et de leur histoire tout en cherchant à appréhender les phénomènes sociaux qui les traversent. C’est à partir des histoires de vie des participant·es qu’il est possible de saisir l’impact des différents déterminants sociaux et d’apercevoir le travail que le sujet tente de réaliser pour se déprendre de ces subordinations afin de devenir enfin sujet de son histoire.  

C’est au cœur de la rencontre entre les déterminants sociaux et les processus psychiques individuels agissant inconsciemment sur l’individu que se créent des situations paradoxantes privant l’individu de liberté dans ses désirs de réalisation personnelle. La sociologie clinique vise donc à repenser notre rapport à l’histoire et à changer la façon dont l’histoire est agissante en nous4.  

Mon parcours de participante  

Ma participation dans les groupes d’implication et de recherche a été à la source de la conscientisation de l’intrication du social et du personnel dans mon rapport à l’argent, dans mon expérience de la honte, dans mes relations amoureuses et dans bien d’autres aspects de ma vie. Dans le but d’être aimée, d’éviter le rejet et les reproches, j’ai adopté différents comportements sociaux, supposément acceptables, qui sont venus fortement teinter mon identité. Ils m’offraient un support pour me structurer et agir adéquatement en société, mais ils ont aussi imposé une pression m’éloignant ainsi de moi. Ce système paradoxant était nécessaire pour protéger certaines dimensions de mon individualité, tout en me rendant toutefois esclave d’un cycle entrainant la négation d’une partie de moi-même. Le travail socioclinique m’a permis de conscientiser les éléments en cause et d’amorcer un processus de dégagement identitaire. Même si la situation m’ayant amenée à adopter ces comportements socionormés a changé, je demeure subjectivement touchée par la peur de manquer de considération et d’amour. J’ai intériorisé un ensemble d’exigences sociales et je continue encore trop souvent à offrir une réponse conditionnée à un enjeu qui s’est progressivement modifié dans le temps. 

Toutes ces questions avaient déjà été abordées dans une démarche thérapeutique à la suite d’un épisode dépressif, cependant, j’avais alors ressenti avoir atteint une limite quant au travail thérapeutique que je me sentais incapable de dépasser. La dimension sociale présente en sociologie clinique s’avérait manquante dans la simple démarche psychologique. Les séminaires de sociologie clinique m’ont apporté une meilleure connaissance et conscience de l’impact des multiples déterminismes sociaux sur ma vie et comment je peux progressivement parvenir à m’en dégager pour tenter de devenir désormais, non plus le seul produit de mon histoire, mais plutôt le sujet de celle-ci.  

Article rédigé par Chantale Prévost, coordonnatrice du service de développement personnel et spirituel

Pour poursuivre la réflexion :  

Soyez de la conférence de Vincent de Gaulejac au Centre St-Pierre, le mercredi 2 octobre 2024 à 19 h. Les livres du sociologue seront disponibles pour achat lors de l’évènement.
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Quelques lectures  

  • DE GAULEJAC, V. (2008). Les sources de la honte, Desclée de Brouwer. 
  • DE GAULEJAC, V. (2009). Qui est « je » ?, Éditions du Seuil. 
  • DE GAULEJAC, V. (2016). La névrose de classe, Petite bibliothèque Payot. 

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